Depuis sa création, le marché du CBD est attaqué par les pouvoirs publics. Les raisons tiennent d’une part à l’incompréhension initiale de ce qu’est le CBD par les autorités. Elles tiennent aujourd’hui au fait que les pouvoirs publics veulent interdire la vente de fleur de CBD au motif que la distinction entre fleur de CBD et fleur de cannabis (THC est impossible de manière simple et que la poursuite de la commercialisation de la fleur de CBD rendrait la lutte contre les stupéfiants un vrai casse-tête pour les forces de police.
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Dans le cadre de la guérilla juridique menées par les pouvoirs publics d’une part et par les acteurs de la filière CBD / chanvre d’autre part, de nombreux termes et concepts sont utilisés qui ne sont pas toujours très compréhensibles.
Cet article vise à faire le point.
SOMMAIRE :
1. Quelle différence entre un décret et un arrêté ?
2. La vente de fleur de CBD a été brièvement interdite par l’arrêté du 30 décembre 2021
3. Qu’est ce que le conseil d’Etat ?
4. Qu’est ce que le conseil constitutionnel ?
5. Qu’est ce que la cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ?
6. Quels sont les scénarios possibles pour la vente de fleur de CBD ?
1. Quelle différence entre un décret et un arrêté ?
Qu’est-ce qu’un décret ?
Un décret est un acte juridique pris par le Président de la République ou le Premier ministre.
Qu’est-ce qu’un arrêté ?
Un arrêté est une décision d’un ou plusieurs ministres, de portée réglementaire ou individuelle, signée par lui-même ou par un fonctionnaire délégué à cet effet.
2. La vente de fleur de CBD a été brièvement interdite par l’arrêté du 30 décembre 2021
Qui a pris cet arrêté ?
Le texte de loi promulgué le 30 décembre 2021 interdisant la vente de fleur de CBD aux particuliers est un arrêté. Il a été signé par quatre ministres :
- le Ministre de la Santé, Olivier Véran
- le Ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie
- deux ministres délégués auprès du Ministre de l’Economie, Olivier Dussopt et Agnès Pannier-Runachier
Que prévoit l’arrêté ?
L’arrêté prévoit un nouveau cadre légal pour la culture et la commercialisation de la fleur de chanvre. Il fixe un cadre légal à la fois pour les producteurs de chanvre et pour les consommateurs.
- Il autorise la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre dont la teneur en THC est inférieure à 0,3% (et non plus 0,2%).
- Il interdit la vente au consommateur final de fleur ou feuille de chanvre sous toutes ses formes, seules ou mélangées. Il interdit également la détention de fleur ou feuille par les consommateurs et leur consommation.
3. Qu’est ce que le Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat a deux rôles principaux : un rôle de Conseil et un rôle de Juge.
Mission n°1 : Conseiller du gouvernement dans l’élaboration de la loi
Le Conseil d’État est conseiller du Gouvernement. Il examine les projets de loi et d’ordonnance, avant que ceux-ci ne soient soumis au Conseil des ministres, ainsi que les projets de décret en Conseil d’État. Le Conseil d’État émet un avis sur la régularité juridique des textes, sur leur forme et sur leur opportunité administrative.
Mission n°2 : Juge les litiges liés aux lois
Par ailleurs, le Conseil d’État est le juge administratif suprême : il juge les litiges entre les particuliers et les personnes publiques. Il est le juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel et des juridictions administratives spécialisées ainsi que dans certaines matières des jugements des tribunaux administratifs. Il juge en premier et dernier ressort les recours dirigés notamment contre les décrets.
Le conseil d’Etat peu-être saisi pour bloquer les effets d’une loi
Le référé-suspension est une procédure d’urgence. Elle peut être utilisée (par une entreprise par exemple) pour demander au juge d’empêcher l’exécution immédiate d’une décision administrative que l’entreprise trouve illégale. Le jugement prononcé en urgence est provisoire, en attendant que l’affaire soit tranchée par le jugement au fond. C’est une procédure rapide et le juge se prononce entre quelques jours et un mois.
Dans le cas où le Juge suspend l’application de la loi, celle-ci ne s’applique pas jusqu’à ce que le Jugement au fond soit intervenu.
Le conseil d’Etat a été saisi avec succès contre l’arrêté du 30 décembre 2021
L’application immédiate de l’arrêté du 30 décembre 2021 était synonyme de faillite pour de très nombreuses entreprises qui ne pouvaient plus vendre de fleurs de CBD à partir du 3 janvier 2022 dans la mesure où les CBD shops tirent 70% de leurs revenus de cette activité.
De même les grossistes, franchiseurs, distributeurs de fleurs de CBD dépendent de la possibilité finale de vente au particulier pour vivre.
C’est la raison pour laquelle une procédure en référé-suspension a été déposée devant le tribunal administratif dans les jours qui ont suivi la prise de l’arrêté et que le Conseil d’Etat a suspendu l’arrêté de manière provisoire, le temps qu’une procédure jugeant au fond lui permette de se prononcer définitivement. Le résultat peut être l’interdiction définitive de la vente de fleur ou au contraire l’annulation pure et simple de cette interdiction.
4. Qu’est ce que le Conseil constitutionnel ?
Les missions du Conseil Constituttionnel
Le Conseil constitutionnel, créé en 1958, se prononce sur la conformité à la constitution des lois et de certains règlements lorsqu’il est saisi. Il veille également à la régularité des élections nationales et des référendums. Il est composé de neuf membres nommés pour neuf ans, surnommés les Sages. Les membres sont désignés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.
Le Conseil Constitutionnel peut être saisi pour juger de la légalité d’une loi
La QPC (question prioritaire de constitutionnalité) est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative.
Avant la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, il n’était pas possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur. C’est désormais possible avec la QPC.
5. Qu’est ce que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ?
Les missions de la CJUE
La Cour de Justice de l’Union Européenne est une juridiction du Conseil de l’Europe chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les 47 États qui l’ont ratifiée. Elle a été signée à Rome en 1950 et a été ratifiée par la France en 1974.
Qu’est-ce qu’une Question Préjudicielle ?
Les États membres de l’Union européenne (UE) doivent appliquer les traités, règlements, directives et décisions de l’Union Européenne. Dans le cadre d’une Question Préjudicielle, la Cour Européenne des droits l’Homme (CEDH) peut être saisie pour résoudre un litige lié à l’interprétation d’une norme européenne.
Dans ce cadre, le renvoi préjudiciel est une procédure qui permet à une juridiction nationale d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne dans le cadre d’un litige dont elle est saisie.
Le renvoi préjudiciel n’est pas un recours formé contre un acte européen ou national mais une question posée par un juge national lorsque la résolution d’un litige qui lui est soumis est conditionnée par l’interprétation d’une norme du droit de l’Union.
Un précédent pour le CBD : la question préjudicielle dans l’affaire Kanavape
Dès 2014, la société Kanavape était poursuivie pour avoir commercialisé des cartouches de vapotage contenant du CBD alors jugées illégales.
En 2018, devant la Cour d’appel d’Aix- en-Provence, l’un des fondateurs de la société Kanavape, l’un des fondateurs de Kanavape obtenait la saisie de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) pour une question préjudicielle : quel est le statut du CBD au regard du droit européen ?
Dans son arrêt du 19 novembre 2020, la Cour de Justice de l’UE indiquait que le CBD n’était ni un médicament ni un stupéfiant et qu’en conséquence, interdire sa vente en France constitue une atteinte à la libre circulation des marchandises dans l’Union. Cet arrêt de la CJUE revenait de fait à autoriser la vente de produits contenant du CBD en France.
6. Quels sont les scénarios possibles pour la vente de fleur de CBD ?
Avec la prise de l’arrêté du 30 décembre 2021 et sa suspension en janvier 2022, la vente de fleurs est pour le moment légale. Cela signifie qu’en l’état tout commerce vendant de la fleur de CBD ne peut pas faire l’objet de poursuites judiciaires et de fermeture administrative le cas échéant pour le seul motif de la vente.
Le Ministère public a publié ses conclusions rapidement dans le but d’obtenir un jugement au fond dans les meilleurs délais. Les défenseurs de la filière et notamment l’UPCBD ont eux aussi publié leur mémoire en réponse. L’audience au fond devrait se tenir au mois de juin 2022. Une décision sera donc prise d’ici l’été 2022.
Si le Conseil d’Etat devait interdire la vente de fleurs, cela ne constituerait pas la fin du combat car d’autres recours seraient possibles. Toutefois, cela rendrait la vente de fleurs illégale immédiatement et le temps nécessaire à la mise en œuvre des procédures complémentaires signifierait probablement la fin de la quasi-totalité des exploitations de CBD shops, dont les ventes reposent actuellement sur la vente de la fleur.
Si en revanche, le Conseil d’Etat venait à annuler l’arrêté du 30 décembre 2021, alors il est probable que le Ministère public, dont les acteurs auront changé avec la nomination d’un nouveau gouvernement, choisirait de baisser les armes et la filière pourrait continuer à se développer.
Dans un tel contexte d’incertitude, il est étonnant de constater que peu nombreux sont les acteurs qui prennent des mesures pour pérenniser leur exploitation en cas de décision contraire à leurs intérêts. Il en existe pourtant.
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